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OBSESSION
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CHAPITRE 1
Une pluie fine, froide me glaçait le sang. Une pluie à n’en plus finir. L’eau ruisselait sur mon visage, mes bras, mon dos et mes jambes, me trempait jusqu’aux os malgré un sol encore chaud. Je ne ressentais plus mes membres et parvenais à peine à bouger quelques doigts. Le pire, c’était que je ne me souvenais de rien. Pas même d’une bribe d’histoire qui aurait pu éclairer ma lanterne. Un mal de tête qui me tambourinait sans cesse le crâne m’empêchait de rassembler mes souvenirs. Avec un peu de chance, j’arriverais à ouvrir les yeux. Mais au moment même où je tentai l’impossible, je sentis comme des boursouflures douloureuses me tirer dessus. Étais-je blessée ? J’étais trop lasse pour y penser. Dormir, un peu, juste encore un peu…
****
Le temps avait passé il me semble, pourtant j’étais toujours allongée sur le sol. La pluie elle, avait redoublé et s’acharnait sur mon corps légumineux. J’étais comme un torchon lessivé sans ménagement. Mon Dieu ! Allais-je mourir ici sans savoir qui j’étais ou sans connaître la vérité sur ce qui avait bien pu m’arriver ? Dans un sursaut de conscience, je fus envahie par la peur. J’avais froid, je ne voyais rien et je tremblais comme une feuille. Bouge-toi ! Allez, bouge je te dis ! criai-je en tentant de me persuader que je n’avais que des plaies superficielles, des égratignures sans conséquence. Dans un ultime effort, je me balançai de gauche à droite jusqu’à réussir à me retourner comme une crêpe trop molle : mes bras et ma jambe gauche avaient raté le coche. Allez ma vieille, courage, me dis-je pour me réconforter. Je m’arrêtai, repris mon souffle et cogitai : « Vieille… », je suis une femme, je crois. Puis dans une volte-face intérieure, je me sermonnai : Cesse donc de penser, les détails passeront après ! Je tentai une nouvelle fois encore d’arranger mes bras trop flasques ; ma jambe elle, avait fini par glisser sur le côté.
Dix minutes plus tard, le ciel s’était apaisé et des sensations affreuses me parcouraient le corps. Des fourmillements électriques me chatouillaient les muscles au fur et à mesure que je retrouvai le contrôle de mes membres. J’étais frigorifiée de la tête aux pieds. Les paupières toujours fermées, je retentai de les rouvrir. Mon visage me tirait de part et d’autre mais je pus tout de même apercevoir de nouveau le ciel et fus surprise d’admirer un croissant de lune. Il faisait nuit et j’étais allongée à l’air libre sur le sol... Au moins, j’avais une vue imprenable sur les étoiles. J’aurais pu rester un bon moment encore si je n’avais pas été gorgée d’eau comme une éponge. « Bob Sponge… » Je voulus en rire mais j’étais aussi passée par la case « botox ». Allez ma grande, ne reste pas là, ou c’est dans la chronique décès, entre Jean-Jacques et Bernard qu’on retrouvera finalement ton nom. Mes bras bougeaient enfin, mes jambes semblaient avoir tenu le choc, j’étais fin prête pour un nouveau tour de crêpe. Essoufflée, je réussis quand même à me relever sur mes deux jambes, mes fesses cherchant l’équilibre avant de me redresser dans un cri d’outre-tombe tant la douleur fut pénible. Après cette bataille psychologique, j’eus une étonnante surprise et de taille : J’étais sur un toit… Lequel ? J’en savais rien, mais un toit, ça c’était sûr.
Je regardais autour de moi jusqu’à trouver la porte de sortie située au loin. Il y avait quoi…tout au plus vingt pas. Mouais, fis-je avec ma gueule de déterrée, car je pressentais que ces vingt pas allaient être les plus atroces jamais vécus ; enfin autant que je m’en souvienne ! Encore ankylosée je traînai alors ma jambe engourdie, sentis la douleur me tirailler et mes pieds nus marcher dans les flaques d’eau sale. En contrebas de l’immeuble, un homme rôdait entre les voitures stationnées sur le parking. À cette heure ? Un voleur, probablement. Puis soudain, fatigué de chercher il se figea et regarda le ciel. J’ignore pourquoi, mais mon instinct de froussarde me commandait de fuir. Et pour cause, à peine avait-il croisé mon regard qu’il se mit à courir en direction du bâtiment. Des frissons me prirent, mon cœur me piqua et malgré une démarche de zombie, je me dépêchai d’atteindre la porte le plus rapidement possible. Assurément, cet homme me cherchait car je l’entendais maintenant monter précipitamment les escaliers. Ses pas s’étaient rapprochés alors que j’avais à peine atteint le dernier palier. Je commençais tout juste à pousser les portes battantes, quand j’aperçus sa silhouette. Dans un effort démesuré, j’avançai ma carcasse essoufflée et épuisée vers l’ascenseur. Il était maintenant arrivé à l’étage ; immobile au bout du couloir, il m’observait fatigué et enragé d’être monté si vite. Paralysée par la peur, des bruits sourds presque inaudibles me parvenaient en même temps qu’une de mes mains s’affolait sur le bouton vert. Quand il surprit mon geste, il se mit à courir dans ma direction pendant que je me glissais à l’intérieur. Mon cœur explosait dans ma poitrine, mon corps tremblait et la sueur perlait. Je poussai un cri de désespoir au moment où les portes de l’ascenseur se refermèrent me laissant juste quelques secondes pour entrevoir qu’il était grand, brun et jeune, portait un sweat-shirt gris au logo jaune. Sa voix elle, me terrifia. Ce fut bref mais je pus l’entendre pester depuis l’étage : « Eh Merde ! ».
J’avais encore une chance de lui échapper. Réfléchis ! Réfléchis ! Réfléchis ! répétai-je en moi-même. Mais il était trop tard. L’ascenseur avait amorcé sa descente et était sur le point d’atteindre le rez-de-chaussée. À l’ouverture, la lumière du hall me parvint, m’obligeant à écarquiller les yeux dans un silence mortuaire meublé seulement des battements de mon cœur. Un silence qui fit grimper ma tension de deux barres. Étonnée de ne trouver personne, je me précipitai alors avec hâte vers la sortie. Mais l’instant d’après, la porte des escaliers de secours s’ouvrit brutalement ; il était là et marchait à présent vers moi.
Pétrifiée je cherchai une arme : sur ma droite, une grande plante verte, sur ma gauche, une plante verte aussi mais dans un petit pot en porcelaine. Je m’approchai rapidement de l'accueil et au moment où l’homme me prit le bras, lui balançai la pauvre plante au visage mais aussi tout ce qui décorait le comptoir : pancarte, feuillets et enfin le stylo lesté. Assommé pour de bon, l’homme gémissait, affalé sur le sol, blessé au visage. Je n’attendis pas qu’il me chante une opérette pour décamper comme une folle vers les portes d’entrée. Sur le parking, je me mis à farfouiller mes poches jusqu’à découvrir des clés. Dans ma panique, j’appuyai alternativement sur les deux boutons du boîtier quand tout à coup, j’aperçus le clignotement de la lumière jaune orangé des phares d’une voiture. Je n’eus pas le temps de me réjouir que déjà je voyais l’homme se relever difficilement à travers les grandes baies vitrées. Ne faisant ni une ni deux, je me mis à détaler comme un canard boiteux en direction du véhicule. Je venais tout juste d'actionner le démarreur quand ses pas franchirent la porte. Je fis une brusque marche arrière, puis, accélérai en trombe. Je n’avais aucune idée de l’endroit où aller mais le plus loin de lui, assurément. Quelques minutes plus tard, je m’arrêtai face à un café près du bord d’une avenue. Il me fallait savoir qui j’étais et surtout où je vivais. Je tâtonnai mes vêtements humides une nouvelle fois et ressentis une petite bosse dans une des poches intérieures. Dedans se trouvait un permis de conduire, le mien sans doute et une adresse.
« Excusez-moi ! Pardon, s’il vous plaît ! »
Le vieillard se rapprocha de moi, titubant d’un pas lent. Pendant un court instant, je crus qu’il allait s’évanouir mais il s’accrocha désespérément à ma portière, les yeux révulsés de temps à autre avec une haleine de vieux vin âcre, de fromage et de moisi qui me donnait la gerbe. La bouteille en main, le coude appuyé sur la vitre, il souriait niaisement.
« Madame ! » dit-il en me saluant allègrement comme un Anglais.
Il tenta la courbette mais faillit plonger la tête la première dans le caniveau. J’avais pris quelque distance histoire pour moi d’aspirer une grande bouffée d’air frais avant de me remettre correctement à ma place.
« Bonsoir, pouvez-vous m’indiquer cette adresse s’il vous plaît, demandai-je en lui montrant la licence.
— Savez, vous z’êtes salement amochée ! » essaya-t-il de dire d’un bref coup de tête.
Manquant d’air je me décalai à nouveau, inspirai profondément et repris :
« S’il vous plaît, l’adresse, dis-je avec moins de courtoisie. »
L’homme prit la carte de mes mains puis jeta un œil dans tous les sens sur les quelques mots inscrits.
« Redonnez-moi mon permis, visiblement cela ne sert à rien de demander à un fou une direction », lui sortis-je sentant mon espoir s’évanouir à ses petits yeux de taupe.
Il me regarda, puis regarda la carte et me regarda à nouveau avant de me la jeter au visage.
« Savez plus où z’habitez ? demanda-t-il difficilement, la tête se balançant de chaque côté de son corps qui ne tenait déjà plus en équilibre.
— Nouvelle adresse.
— Oooh ! fit-il comme si la petite ampoule de sa matière grise s’était remise à fonctionner tandis qu’un doigt pointant et tournoyant devant sa tempe attestait qu’il avait compris mon message.
Puis sans me laisser un souffle d’air, il s’approcha de mon visage et m’indiqua de son index le chemin.
« À droite, dit-il comme un commandant, pis deux à gauche, pis droit jusqu’au feu, « fliupp » siffla-t-il, et pis vous longez la côte » finit-il par dire dans un rôt bien à lui.
Après ces quelques minutes où je crus mourir mille fois, je partis en le saluant à deux reprises. La vitre encore ouverte, évacuait l’odeur pestilentielle de son haleine ; la pédale enfoncée jusqu’au plancher, je suivis le chemin que l’ivrogne m’avait indiqué.
Une pluie fine, froide me glaçait le sang. Une pluie à n’en plus finir. L’eau ruisselait sur mon visage, mes bras, mon dos et mes jambes, me trempait jusqu’aux os malgré un sol encore chaud. Je ne ressentais plus mes membres et parvenais à peine à bouger quelques doigts. Le pire, c’était que je ne me souvenais de rien. Pas même d’une bribe d’histoire qui aurait pu éclairer ma lanterne. Un mal de tête qui me tambourinait sans cesse le crâne m’empêchait de rassembler mes souvenirs. Avec un peu de chance, j’arriverais à ouvrir les yeux. Mais au moment même où je tentai l’impossible, je sentis comme des boursouflures douloureuses me tirer dessus. Étais-je blessée ? J’étais trop lasse pour y penser. Dormir, un peu, juste encore un peu…
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Le temps avait passé il me semble, pourtant j’étais toujours allongée sur le sol. La pluie elle, avait redoublé et s’acharnait sur mon corps légumineux. J’étais comme un torchon lessivé sans ménagement. Mon Dieu ! Allais-je mourir ici sans savoir qui j’étais ou sans connaître la vérité sur ce qui avait bien pu m’arriver ? Dans un sursaut de conscience, je fus envahie par la peur. J’avais froid, je ne voyais rien et je tremblais comme une feuille. Bouge-toi ! Allez, bouge je te dis ! criai-je en tentant de me persuader que je n’avais que des plaies superficielles, des égratignures sans conséquence. Dans un ultime effort, je me balançai de gauche à droite jusqu’à réussir à me retourner comme une crêpe trop molle : mes bras et ma jambe gauche avaient raté le coche. Allez ma vieille, courage, me dis-je pour me réconforter. Je m’arrêtai, repris mon souffle et cogitai : « Vieille… », je suis une femme, je crois. Puis dans une volte-face intérieure, je me sermonnai : Cesse donc de penser, les détails passeront après ! Je tentai une nouvelle fois encore d’arranger mes bras trop flasques ; ma jambe elle, avait fini par glisser sur le côté.
Dix minutes plus tard, le ciel s’était apaisé et des sensations affreuses me parcouraient le corps. Des fourmillements électriques me chatouillaient les muscles au fur et à mesure que je retrouvai le contrôle de mes membres. J’étais frigorifiée de la tête aux pieds. Les paupières toujours fermées, je retentai de les rouvrir. Mon visage me tirait de part et d’autre mais je pus tout de même apercevoir de nouveau le ciel et fus surprise d’admirer un croissant de lune. Il faisait nuit et j’étais allongée à l’air libre sur le sol... Au moins, j’avais une vue imprenable sur les étoiles. J’aurais pu rester un bon moment encore si je n’avais pas été gorgée d’eau comme une éponge. « Bob Sponge… » Je voulus en rire mais j’étais aussi passée par la case « botox ». Allez ma grande, ne reste pas là, ou c’est dans la chronique décès, entre Jean-Jacques et Bernard qu’on retrouvera finalement ton nom. Mes bras bougeaient enfin, mes jambes semblaient avoir tenu le choc, j’étais fin prête pour un nouveau tour de crêpe. Essoufflée, je réussis quand même à me relever sur mes deux jambes, mes fesses cherchant l’équilibre avant de me redresser dans un cri d’outre-tombe tant la douleur fut pénible. Après cette bataille psychologique, j’eus une étonnante surprise et de taille : J’étais sur un toit… Lequel ? J’en savais rien, mais un toit, ça c’était sûr.
Je regardais autour de moi jusqu’à trouver la porte de sortie située au loin. Il y avait quoi…tout au plus vingt pas. Mouais, fis-je avec ma gueule de déterrée, car je pressentais que ces vingt pas allaient être les plus atroces jamais vécus ; enfin autant que je m’en souvienne ! Encore ankylosée je traînai alors ma jambe engourdie, sentis la douleur me tirailler et mes pieds nus marcher dans les flaques d’eau sale. En contrebas de l’immeuble, un homme rôdait entre les voitures stationnées sur le parking. À cette heure ? Un voleur, probablement. Puis soudain, fatigué de chercher il se figea et regarda le ciel. J’ignore pourquoi, mais mon instinct de froussarde me commandait de fuir. Et pour cause, à peine avait-il croisé mon regard qu’il se mit à courir en direction du bâtiment. Des frissons me prirent, mon cœur me piqua et malgré une démarche de zombie, je me dépêchai d’atteindre la porte le plus rapidement possible. Assurément, cet homme me cherchait car je l’entendais maintenant monter précipitamment les escaliers. Ses pas s’étaient rapprochés alors que j’avais à peine atteint le dernier palier. Je commençais tout juste à pousser les portes battantes, quand j’aperçus sa silhouette. Dans un effort démesuré, j’avançai ma carcasse essoufflée et épuisée vers l’ascenseur. Il était maintenant arrivé à l’étage ; immobile au bout du couloir, il m’observait fatigué et enragé d’être monté si vite. Paralysée par la peur, des bruits sourds presque inaudibles me parvenaient en même temps qu’une de mes mains s’affolait sur le bouton vert. Quand il surprit mon geste, il se mit à courir dans ma direction pendant que je me glissais à l’intérieur. Mon cœur explosait dans ma poitrine, mon corps tremblait et la sueur perlait. Je poussai un cri de désespoir au moment où les portes de l’ascenseur se refermèrent me laissant juste quelques secondes pour entrevoir qu’il était grand, brun et jeune, portait un sweat-shirt gris au logo jaune. Sa voix elle, me terrifia. Ce fut bref mais je pus l’entendre pester depuis l’étage : « Eh Merde ! ».
J’avais encore une chance de lui échapper. Réfléchis ! Réfléchis ! Réfléchis ! répétai-je en moi-même. Mais il était trop tard. L’ascenseur avait amorcé sa descente et était sur le point d’atteindre le rez-de-chaussée. À l’ouverture, la lumière du hall me parvint, m’obligeant à écarquiller les yeux dans un silence mortuaire meublé seulement des battements de mon cœur. Un silence qui fit grimper ma tension de deux barres. Étonnée de ne trouver personne, je me précipitai alors avec hâte vers la sortie. Mais l’instant d’après, la porte des escaliers de secours s’ouvrit brutalement ; il était là et marchait à présent vers moi.
Pétrifiée je cherchai une arme : sur ma droite, une grande plante verte, sur ma gauche, une plante verte aussi mais dans un petit pot en porcelaine. Je m’approchai rapidement de l'accueil et au moment où l’homme me prit le bras, lui balançai la pauvre plante au visage mais aussi tout ce qui décorait le comptoir : pancarte, feuillets et enfin le stylo lesté. Assommé pour de bon, l’homme gémissait, affalé sur le sol, blessé au visage. Je n’attendis pas qu’il me chante une opérette pour décamper comme une folle vers les portes d’entrée. Sur le parking, je me mis à farfouiller mes poches jusqu’à découvrir des clés. Dans ma panique, j’appuyai alternativement sur les deux boutons du boîtier quand tout à coup, j’aperçus le clignotement de la lumière jaune orangé des phares d’une voiture. Je n’eus pas le temps de me réjouir que déjà je voyais l’homme se relever difficilement à travers les grandes baies vitrées. Ne faisant ni une ni deux, je me mis à détaler comme un canard boiteux en direction du véhicule. Je venais tout juste d'actionner le démarreur quand ses pas franchirent la porte. Je fis une brusque marche arrière, puis, accélérai en trombe. Je n’avais aucune idée de l’endroit où aller mais le plus loin de lui, assurément. Quelques minutes plus tard, je m’arrêtai face à un café près du bord d’une avenue. Il me fallait savoir qui j’étais et surtout où je vivais. Je tâtonnai mes vêtements humides une nouvelle fois et ressentis une petite bosse dans une des poches intérieures. Dedans se trouvait un permis de conduire, le mien sans doute et une adresse.
« Excusez-moi ! Pardon, s’il vous plaît ! »
Le vieillard se rapprocha de moi, titubant d’un pas lent. Pendant un court instant, je crus qu’il allait s’évanouir mais il s’accrocha désespérément à ma portière, les yeux révulsés de temps à autre avec une haleine de vieux vin âcre, de fromage et de moisi qui me donnait la gerbe. La bouteille en main, le coude appuyé sur la vitre, il souriait niaisement.
« Madame ! » dit-il en me saluant allègrement comme un Anglais.
Il tenta la courbette mais faillit plonger la tête la première dans le caniveau. J’avais pris quelque distance histoire pour moi d’aspirer une grande bouffée d’air frais avant de me remettre correctement à ma place.
« Bonsoir, pouvez-vous m’indiquer cette adresse s’il vous plaît, demandai-je en lui montrant la licence.
— Savez, vous z’êtes salement amochée ! » essaya-t-il de dire d’un bref coup de tête.
Manquant d’air je me décalai à nouveau, inspirai profondément et repris :
« S’il vous plaît, l’adresse, dis-je avec moins de courtoisie. »
L’homme prit la carte de mes mains puis jeta un œil dans tous les sens sur les quelques mots inscrits.
« Redonnez-moi mon permis, visiblement cela ne sert à rien de demander à un fou une direction », lui sortis-je sentant mon espoir s’évanouir à ses petits yeux de taupe.
Il me regarda, puis regarda la carte et me regarda à nouveau avant de me la jeter au visage.
« Savez plus où z’habitez ? demanda-t-il difficilement, la tête se balançant de chaque côté de son corps qui ne tenait déjà plus en équilibre.
— Nouvelle adresse.
— Oooh ! fit-il comme si la petite ampoule de sa matière grise s’était remise à fonctionner tandis qu’un doigt pointant et tournoyant devant sa tempe attestait qu’il avait compris mon message.
Puis sans me laisser un souffle d’air, il s’approcha de mon visage et m’indiqua de son index le chemin.
« À droite, dit-il comme un commandant, pis deux à gauche, pis droit jusqu’au feu, « fliupp » siffla-t-il, et pis vous longez la côte » finit-il par dire dans un rôt bien à lui.
Après ces quelques minutes où je crus mourir mille fois, je partis en le saluant à deux reprises. La vitre encore ouverte, évacuait l’odeur pestilentielle de son haleine ; la pédale enfoncée jusqu’au plancher, je suivis le chemin que l’ivrogne m’avait indiqué.